Que penser finalement de Nymphomaniac de Lars Von Trier?
C’était déjà un gros pari de présenter un film de 5h30, de nombreux se sont essayé avec plus ou moins de succès à ( Kill Bill de Tarantino, jouissif qu’il peut être, reste très inégal dans la durée). Et le premier truc que l’on peut dire, est que le film nous tient en haleine de bout en bout, on ne voit a aucun moment le temps passer et lorsque le générique arrive on a l’impression d’avoir passé seulement 3h. Si Lars Von Trier à réussi cela, ce n’est pas anodin.
Tout d’abord sa décision de diviser son récit en chapitres, avec des interludes les reliant, permet au spectateur de ne jamais être perdu dans le récit, là ou certaines œuvre cherchent à nous perdre par sa construction scénaristique, Nymphomaniac reste clair, on part d’un point B et on nous raconte tout le chemin du début jusqu’à ce point puis une conclusion. Mais si la construction de son film est simple elle est vraiment réalisée dans le but précis que le spectateur ne se perde pas, ce qui est un des gros pari d’un film fleuve d’une telle durée.
Pour garder l’attention du spectateur, il faut aussi lui montrer des choses différentes (comme lors d’une présentation, C’est intéressant d’avoir du texte, de l’image ou encore de la vidéo), pour cela Lars Von Trier s’est complètement lâché. A chaque chapitre son style, son format, son histoire : on passe d’une histoire presque comique coloré en 2:35 à un récit tragique en noir et blanc, à un autre en 1:85…
Toute ses histoires ont néanmoins des similitudes : dans son écriture, on a toujours le schéma suivant : un objet de la pièce interpelle Joe, début de l’histoire, débat sur le sujet avec Seligman, puis conclusion de l’histoire. Si ce schéma reste très classique dans sa construction, c’est bel et bien dans le contenu que Lars Von Trier se concentre, ainsi que la mise en scène.
La mise en scène de son côté met en avant les différents messages que veut faire passer le film, à travers des plans rapprochés lors des dialogues entre Joe et Seligman pour donner plus de puissance à ses dialogues et débats; les différents chapitres quand à eux utilisent des matériaux documentaire pour expliciter le propos de Seligman et une histoire filmée pour Joe. Le rapport entre la mise en scène est aussi particulièrement intéressante sur certains aspects, notamment pour nous prendre au dépourvu ou alors adapter son propos (le chapitre 5 est un très bel exemple de métaphore filée avec la composition de Bach, et de son découpage en triptyque).
Le matériel utilise est aussi également là pour jouer sur les formats et rendus : le film est globalement filmé en Arri Alexa, une caméra numérique des plus performantes actuellement, permettant un rendu sans grain et presque sans aucun flou. Lars Von Trier utilise de plus pour certains segments des Canon EOS 5D et également des iPhone.
Si le film se divise en 2 parties, c’est dans le but de montrer deux facettes de l’humain et de son existence. La première partie se concentre sur
la délicatesse, l’innocence, la poésie, ainsi que l’espoir que l’on peut avoir dans les relations sociales et surtout sexuelles, Le réalisateur propose dans cette première partie tout ce jeu du sexe comme occupation issue du libertinage dans ses deux définitions : à la fois comme un jeu d’échec de partenaires sexuel que comme une remise en cause des dogmes, croyances et éthiques religieuses que le réalisateur nous a invité en début de film à faire abstraction.
La seconde partie quand a elle effectue un retournement des situations, par un premier retournement de situation du personnage principal. Ce changement va être ainsi déclencheur de cette totale perte d’espoir présent dans la 1ere partie, où le but cette fois est de vivre avec des événements nous dépassant et où l’on ne se contrôle plus et l’on se perd, thème abordé dans la plus grosse partie de sa filmographie. Pour insister sur ce propos, Le réalisateur s’auto-référence en utilisant en partie une scène de son film Anti-Christ. Cette partie montre ainsi notre condition humaine livrée a elle même, une vie empli de douleurs masquée par nos relation sociale et la culture nous entourant.
Nymphomaniac en définitive est film fleuve de 5h30 racontant la vie de Joe, une histoire définitivement marquante ; Lars Van Trier nous présente ici un film impressionnant, déroutant, touchant, et son film le plus positif, le chef d’œuvre de 2014 qui doit être montré en école de cinéma.