Princesse Mononoke, sorti en 1997 au Japon, est le septième long-métrage d’animation d’Hayao Miyazaki. Il a connu un succès commercial et critique dans le monde entier, en France y compris (il a d’ailleurs permis d’y exporter les œuvres antérieures du réalisateur, tel que Le Château dans le Ciel).
J’ai découvert cette à œuvre à l’âge de huit ans, lors de sa deuxième sortie en DVD en 2002, sous forme de coffret collector. Je l’ai depuis revu un nombre incalculable de fois, dont une sur grand écran, lors d’une rétrospective sur le cinéma de Miyazaki organisée par le cinéma de ma ville.

L’histoire est celle du périple du prince Ashitaka, héritier de la tribu secrète des Emishi, décimée et contrainte de vivre cachée dans les montagnes orientale du Japon. Maudit par un démon qu’il a terrassé pour protéger les siens, et porteur d’une balafre infectée qui se répand peu à peu sur son bras droit, il doit quitter son village et parcourir le Japon pour découvrir l’origine de ce mal et trouver un remède. Il fera en chemin la rencontre de Dame Eboshi, chef du village des forges qui exploite le minerai de la montagne, et surtout de San, la princesse des esprits vengeurs, une jeune fille élevée par des loups. Ashitaka se retrouvera projeté au sein d’une guerre entre les esprits de la forêt, matérialisés sous formes d’animaux gigantesques, et les hommes des forges, désireux d’exploiter la forêt qui sert de sanctuaire aux esprits. La guerre sera amplifiée par les hommes de l’Empereur, convoitant la tête du Dieu-Cerf, et les armées du seigneur Asano, convoitant les forges de Dame Eboshi. C’est au milieu de ce conflit destructeur qu’ Ashitaka se retrouvera plongé. Il tentera d’y apporter un message de paix, et surtout de calmer la haine qui contamine aussi bien les humains que les esprits. Il essayera aussi de se faire comprendre de San, et de la convaincre de la possibilité d’une harmonie entre elle et les humains.
L’univers graphique de ce film est sublime. Le trait d’Hayao Miyazaki donne vie à des décors enchanteurs et nimbés des légendes ancestrales, ancrées dans le Japon médiéval. Les environnements vont de la plaine verdoyante recouverte de brouillard aux montagnes escarpées de roches brunes, mais le paysage le plus marquant reste le cœur de la forêt, sanctuaire du Dieu Cerf, plongée en permanence dans la pénombre et emplie de magie. Quant aux personnages, ils sont parfaitement animés, et retranscrivent les émotions tout en subtilité. Princesse Mononoke est aussi, et sans conteste, l’un des films les plus sombres d’Hayao Myazaki. Il montre la guerre et ses conséquences, et dévoile les facettes les plus sombres de l’être humain, ainsi que les mécanismes de radicalisation des conflits motivés par la haine. Certaines scènes sont visuellement assez violentes, notamment celle où Nago, le roi sanglier, grièvement blessé et aveugle, inonde littéralement le sol de son sang et se laisse posséder par une force démoniaque. Mais cette violence est justement contrebalancée par la beauté du message de paix dont Ashitaka est le porteur. L’esthétique du film participe donc elle aussi à transmettre son message.
Le grandiose de son histoire et la beauté de son univers sont complétée par une musique magistrale, composée par Joe Hisaishi. Chaque composition cadre parfaitement avec la scène qui se déroule sous nos yeux. Le thème le plus marquant est certainement le thème principal, intervenant dans une scène centrale du film, dans laquelle Ashitaka et la reine louve Moro conversent sur un promontoire surplombant la forêt. Chanté par Yoshikazu Mera, un contre-ténor japonais dont la voix s’accorde à la perfection avec la magie de la scène.

Les personnages dénotent avec ceux des précédents films d’Hayao Myazaki. Là où les héros étaient souvent, voire presque exclusivement, des enfants plutôt insouciants qui partent à la découverte du monde et finissent par le changer, ou des personnages débonnaires et atypiques comme Totoro, ce sont ici de jeunes adultes qui sont mis en scène. Ashitaka ne correspond pas à l’archétype du héros souriant et insouciant, il est au contraire mélancolique et empli d’une grande tristesse. En outre, il n’est pas un héros irréprochable, puisqu’il doit lutter contre la malédiction réveille en lui les pulsions les plus noires . Mais il est surtout un héros très mature, empli de volonté et de courage, et qui n’a pas peur de se sacrifier pour aider ceux qui sont dans le besoin. Il sait que la malédiction le tuera, et la priorité de sa quête n’est pas son propre salut, mais la paix entre les esprits et les humains. Il ne cherche aucunement à empêcher sa mort, mais à comprendre l’origine de la malédiction. Quant à San, elle est mystérieuse et secrète, renfermée à l’extrême puisque, comme une louve, elle ne fuit tout contact humain. Elle éprouvera pourtant de la pitié en voyant Ashitaka souffrir d’une blessure obtenue alors qu’il la protégeait. Ashitaka tentera non pas de l’adoucir, mais de lui donner un regard neuf et moins radical sur le monde des humains, car il souhaite apaiser la haine dans les deux camps.
Si ce film est si marquant, c’est parce qu’il aborde des thématiques universelles et intemporelles. Le thème central de l’œuvre est la paix et l’harmonie entre l’humanité et la nature, et l’apaisement de la haine qui conduit inévitablement aux conflits et aux catastrophes. Princesse Mononoke est une œuvre écologique et une ode à la paix, message que l’on retrouve dans de nombreuses œuvres d’Hayao Miyazaki, et du cinéma d’animation japonais en général.
En définitive, Princesse Mononoke est un véritable chef-d’œuvre. La beauté de son esthétique, la dimension de son histoire, la puissance de ses messages et la magie de sa musique en font un film totalement universel, une fable pour l’écologie, pour la paix et l’harmonie entre l’humain et la nature, et un aperçu fabuleusement épique du Japon médiéval et de ses légendes. C’est pour moi le film le plus abouti de l’œuvre d’Hayao Myazaki, et mon film préféré, toute catégorie confondue.
Rominro