2001, Jack White fondait Third Man Records. A l’origine un simple nom pour récupérer un bâtiment où il pourrait stocker tout son matériel à Détroit et avoir une structure pour rééditer en vinyles les sorties des White Stripes, l’ensemble devient en 2009 un véritable complexe musical en plein cœur de Nashville, Tennessee.
Cet article est une version réécrite et un peu modifiée d’un podcast tourné en live sur Twitch que vous pourrez retrouver ici.
« Your Turntable’s Not Dead »
Après plusieurs années en tant qu’entrepôt, Third Man Records s’établit donc en 2009 à Nashville. Dès son ouverture, le principe est simple : Third Man Records sera une boutique, les QG du label mais surtout The Blue Room, une salle de concert unique au monde, permettant de produire et masteriser un vinyle en direct de ce concert-ci. L’idée est simple (et bien entendu géniale) et très rapidement, la machine se met en route.
A commencer par le boss lui-même, Jack White, qui profitera de l’ouverture des locaux pour présenter par la même occasion son dernier projet en date (nous sommes toujours en 2009) : The Dead Weather. Ainsi la première sortie en vinyle de Third Man Records (TMR-001) ne sera pas une ressortie des White Stripes, mais le premier single des Dead Weathers (Hang You from the Heavens/Are ‘Friends’ Electric?).
La seconde release sera pour le coup le dernier album studio des White Stripes, Icky Thump, ici dans une version mono, et exclusive à un des éléments important du label : The Vault.
The Vault, clé de voute commerciale de Third Man Records
Dès les début de Third Man Records, The Vault fut un des éléments les plus importants. Entre fan club et abonnement, The Vault vous permet, moyennement une dépense trimestrielle ou annuelle, de recevoir chez soi un enregistrement exclusif, en avant première ou bien dans une édition ultra limitée. De plus, c’est un 10% sur tout le store qui est proposé, ainsi qu’un accès unique à certains produits ou éditions.
Une idée originale qui prend pour le coup assez vite. Une idée simple, mais qui permis de façon globale le développement dans la branche musicale des éditions limitées en tout genre pour les vinyles. Ce qui est intéressant, c’est de voir que par moment, le procédé va plus loin qu’une simple sortie en avant première et une couleur différente, mais bel et bien un mix différent (comme le mono de Icky Thump). C’est pour nous là où The Vault fait fort et devient plus qu’une simple offre de collectionneur addict de l’univers de Jack White.
Tout créer en un endroit
La véritable idée de Jack White derrière Third Man Records, c’est de pouvoir s’occuper de l’ensemble de la production et création d’un album, live, projet musical en un endroit. Ce n’est pas pour rien que l’on retrouve au centre de tout cela cette Blue Room, pouvant servir autant de salle de concert, studio d’enregistrement live ou de studio de photographie.
Lorsque vous vous retrouvez dans la boutique en ligne comme physique de Third Man, il est assez aisé de savoir ce qui est enregistré sur place : Live From Third Man, Blue Live session, Blue series, Green series… Si la volonté n’est pas d’absolument tout produire sur place (Jack White himself n’hésite pas à varier les studios d’enregistrements d’un album à un autre) il s’est créé tout de même une sorte de son Third Man Records au fil des années. Et cette dimension se veut en totale cohérence avec une certaines tradition de l’histoire des labels américains, comme nous allons le mentionner par la suite.
C’est ainsi qu’en 2013, dans cette volonté de proposer cette expérience au plus près du direct pour les artistes comme pour le public qu’a été mis en place dans cette Blue Room cette machine de gravure d’acétate, permettant ainsi un enregistrement direct et pur sur un format physique.
Pour simplifier le processus : vous enregistrez, tout ce qui est capté par les micros est repris dans la table de mixage qui va à la fois mixer le concert (sortie dans les haut parleurs de la salle) mais aussi le vinyle en acétate (sortie vers la machine), ainsi, vous vous retrouvez à la fin avec un concert entièrement enregistré sur 1 à 3 vinyles. Il ne reste plus qu’à le presser et c’est prêt. Le tout avec un processus entièrement analogique ici ! Une des volontés de Jack White et son équipe est ainsi de revenir au son le plus pur possible, au plus naturel dans le processus d’enregistrement.
C’est dans cette logique que lors de l’ouverture du second bureau à Detroit, un des gros projets a été de créer pour Third Man Record leur propre manufacture de vinyle. En effet, toute la production de Nashville était jusqu’à présent réalisée par United Record Pressing, se trouvant à quelques rues des headquarters, et un des derniers bastion du pressages de vinyle aux USA. C’est ainsi qu’est né Third Man Pressing, avec des machines de pressages neuves, les premières construites en 35 ans. Aujourd’hui, c’est donc une bonne partie voir l’ensemble de la production et des ressorties signées Third Man records qui sont traitées à Detroit, permettant une indépendance de production totale.
Mais l’équipée ne s’arrête pas là, et continue a s’étendre, avec l’ouverture en septembre 2021 d’un Third Man Record Store à Londres, autre terre sacrée de la musique. Shop, salle de concert et siège social européen de l’entreprise, jusqu’où ira Third Man ? La bonne nouvelle pour nous, c’est que nous pouvons plus facilement commander nos vinyles depuis l’Angleterre et non plus les USA désormais même si avec le brexit, cela ne vas pas aider au niveau des douanes.
Retracer l’histoire de la musique enregistrée
Car oui, Third Man Records, ce n’est pas qu’un simple label avec son pool d’artistes et ses concerts exclusifs. L’entreprise s’est aussi dirigée petit à petit vers la réédition en vinyle de vieux singles et albums issus de différentes époques. On y retrouve ainsi par exemple des extraits de catalogue de Chess, Sun ou encore Tamla. On revient à ce que l’on vous disait précédemment, où Third Man Records s’installe comme un véritable renouveau de ces labels/studios au son si iconiques, où on achetait presque un 45 tour de Chess Records non pas forcément pour l’artiste mais pour sa production.
C’est ainsi qu’il semble logique aussi que des artistes d’aujourd’hui signés chez Third Man Records, dans cette volonté de sonner « authentique », « vintage », se retrouvent à enregistrer soit à Nashville, soit dans des studios mythiques. Le premier album de Margo Price a par exemple été enregistré aux studio de Sun Records, et pour revenir à notre Jack White, l’album Boarding House Reach a été en partie enregistré à Nashville et en partie dans les studios de Capitol Records.
Et si on allait encore plus loin dans la démarche ? Car oui, c’est ce qu’a fait Third Man Records, avec de très grands et beaux projets autour de l’histoire de la musique enregistrée. Tout d’abord via un partenariat avec la Paramount pour ressortir l’ensemble des enregistrements sortis entre l’après-guerre et les années 30.
C’est pas assez ? TMR a également travaillé avec Document Records pour des ressorties de l’intégralité des enregistrements de bluesman tel que Charley Patton. Et pour boucler cette boucle, si on retrouve les ressorties de groupes plus modernes tel que les Melvins ou Sleep, le plus gros projet de Jack White et donc par extension de Third Man Records autour de l’histoire de la musique enregistrée se prénomme American Epic.
American Epic
American Epic est tout d’abord une série de 3 documentaires retraçant les origines de la musique enregistrées. 4 documentaires passionnants de bout en bout, permettant notamment d’entendre pour la première fois des morceaux dans des versions jamais entendues jusqu’ici. Mais American Epic, c’est aussi un 4e documentaire appelée American Epic : The Sessions. Un projet de longue date qui a été conçu également en collaboration avec des institutions tel que la fondation Alan Lomax (on en parlera une prochaine fois et de son importance historique).
Et là, mes amoureux de la musique, vous aurez ici peut être un de vos plus beaux orgasmes audiophile de votre vie. Le principe est simple : Jack White et T. Bone Burnett invite ses copains et des grands artistes, à venir enregistrer comme dans les années 20, avec une authentique machine d’époque, la dernière fonctionnelle, avec les contraintes qui vont avec : un seul microphone disponible, et moins de 3 minutes à enregistrer. Entre autre, vous y trouverez le meilleur enregistrement de Elton John depuis 40 ans.
Mais du coup, Third Man Records dans tout cela ? Et bien grâce à eux, vous pouvez vous procurer pas moins de 7 compilations de musiques de l’époque utilisées dans la série (soit une centaines de morceaux) en plus du coffret 3 vinyles des American Epic : The Sessions qui est selon nous une des œuvres capitales de ces dernières années pour tout amoureux de la musique et de son histoire.
Moderniser le vinyle et le rendre cool
Mais jusqu’à présent, nous parlons de musiques du passées, n’attirant qu’une petite niches d’historiens de la musiques ou de passionnés. Un des challenges que s’était posé Third Man en arrivant en 2009 dans le milieu a été de redorer le blason du format physique et plus précisément du vinyle qui était quasiment inexistant à l’époque. L’occasion donc d’expérimenter et de proposer des formats et idées toujours plus folles les unes des autres, que ce soit sur des choix de couleurs de vinyles, des qui s’illuminent la nuit, mais aussi des choses musicalement originaux.
Une des plus belles tentatives est l’Ultra LP de Lazaretto, le second album solo de Jack White. morceaux cachés à l’extérieur et intérieur du vinyles, plusieurs morceaux du vinyles écoutables à différentes vitesses, hologramme sur le vinyle… Si ces expérimentations peuvent se faire au détriment de la pure qualité audio de l’album, on ne peut que saluer ces expérimentations qui, disons le, on franchement de la gueule.
Enregistrez son propre vinyle pour 20$
Dans cette logique de faire du neuf avec du vieux, aller à Third Man Records a tout désormais d’une véritable expérience pour tout amateur de musique, et de redécouverte d’objet rétro. C’est ainsi qu’il est par exemple d’utiliser le record booth ! Le principe est ultra simple : tout comme pour un photomaton vous entrez dans la cabine, vous mettez vos pièce, et vous avez 150 secondes d’enregistrement. Une fois l’enregistrement réalisé, et bien vous repartez directement avec votre vinyle.
Neil Young a ainsi sorti un album entièrement réalisé dans cette cabine en 2014, et de nombreux artistes sont passés par le Record Booth. Désormais habitué de Danger Zone, Julien Bitoun à eu également l’occasion lors d’un périple d’enregistrer un titre à Nashville de cette manière. Si vous écoutez l’introduction de son album Chicken & Waffle, l’enregistrement est directement issu de la cabine !
Nos enregistrements préférés de TMR
Mais comme nous vous vous en doutez, Third Man Records est un label musical et donc il faut bien parler de musique à un moment. L’occasion donc de vous présenter quelques albums plus ou moins connus sorti sous la marque aux trois hommes. L’occasion pour nous de parler de ces quelques pépites à posséder dans votre discothèque personnelle.
1- The White Stripes – Icky Thump
Forcément, nous devions parler de ce qui est une des toutes premières releases du label, avec l’ultime album du duo mythique. En plus d’être un excellent album, de nombreux pressages tout aussi intéressants existent et sont une la démonstration du savoir faire de Third Man Records, que ce soit l’album « classique » ou encore les vault sortis avec le mixage mono de l’album, ou encore l’édition des 10 ans de l’album, possédant un contenu assez dense entre démos et B-side exclusives.
2- Music from The American Epic Sessions
Nous en parlions précédemment, difficile de ne pas mentionner de nouveau cette compilation incroyable, réunissant autant Alabama Shakes, Elton John, Jack White, Beck ou encore Nas et Pokey Lafarge. Un triple vinyle incontournable à posséder obligatoirement.
3- The Ghost Who Walks de Karen Elson
Enregistré à l’époque où Karen Elson et Jack White étaient mariés, The Ghost Who Walks fait partie de ces petites perles musicales qui ont été trop vite oubliées, pourtant sublimement enregistrés, avec de très belles compositions et enregistrement, vous transportant immédiatement dans son ambiance fantomatique qui vous rappellera sans aucun doute les sonorités de Jack White de l’époque.
4- Bathtub Love Killings Profile de Olivia Jean
On continue avec les albums de femmes, et celles de Jack White notamment (oui le monsieur n’est jamais bien loin). La chanteuse du groupe des Black Belles (un autre groupe de l’écurie Third Man Records) est arrivée en 2014 avec son album solo. Toutes les influences alternatives sont poussées à fond, avec encore une fois de sublimes sonorités. Pour l’anecdote, Olivia Jean est une des musiciennes de studio de Third Man records, que l’on retrouve notamment sur l’album de Karen Elson, et a également été sur certains album de Jack White ou encore de Wanda Jackson.
5- Midwest Farmer’s Daughter de Margot Price
Pour boucler cette petite liste de recommandations, on ne pouvait pas partir sans mentionner le premier album de Margot Price, qui est à nos yeux le meilleur album de country de ces dernières années. Un album entièrement enregistré en analogique dans les studios de Sun records, donnant un son incroyable. Un véritable incontournable.