Greta Van Fleet a réussi en seulement quelques années à se hisser au rang de groupe quasi-incontournable de la scène rock (et on en avait besoin aujourd’hui). Après un premier EP incroyable, et un premier album intéressant mais demandant de clairement s’y plonger pour y découvrir de superbes qualités musicales, le groupe américain est de retour avec le plutôt attendu Battle at Garden’s Gate.
L’idée avec ce second album : enfoncer encore plus le clou du premier, et montrer vraiment l’identité propre du groupe, afin que l’on arrête une bonne fois pour toute de les comparer à Led Zeppelin. Le premier album avait pour nous déjà réussi ce travail en proposant par touches un véritable univers musical personnel.
Et tout comme Anthem of the Peaceful Army, Battle at Garden’s Gate vous demandera plusieurs écoutes. Tout d’abord car plus d’une heure d’écoute aussi dense et variée est difficilement digeste la première fois. Attention, l’ensemble reste toutefois ultra cohérent, mais nous avons clairement des choses a dire !
Conditions d’écoutes : à l’occasion de cette chronique, nous avons effectué entre 4 et 5 écoute de l’album. Une première fois dans un contexte d’écoute typique, avec un casque sur une plateforme de streaming depuis notre téléphone. Les écoutes suivantes ont elle été réalisée sur des enceintes de monitoring a partir d’une version digitale non compressée.
Sommaire :
Déroulé de l’album
L’album débute avec Heat Above, qui dès la toute première note, donne le ton de cet album. Un premier accord d’orgue dans une cabine leslie, on est loin du gros riff qui tache. La guitare arrive pourtant assez rapidement, pour nous lâcher avec un joli grain la suite d’accords, avant de s’acoustifier lors du couplet. Pour le reste, le morceau est assez classique, malgré un pont mélodique bien trouvé. Ce premier morceau est tout de même une belle note d’intention de l’album : on n’hésite pas à ajouter des couches, des sonorités complémentaires, le tout pour produire un morceau qui, sans être foudroyant est plaisant.
My Way, Soon suit et ressemble davantage à un « classique » du répertoire du groupe. Un petit riff de guitare, le quatuor dans sa simplicité, et un morceau qui n’as pas besoin de plus pour être efficace ! L’album montre davantage son ambition avec (déjà très remarqué et salué) Broken Bells. Et pour nous, et nous n’allons pas aller par quatre chemin, ce n’est pas un titre qui nous a marqué plus que cela !
Le morceau se veut au très classique, une ballade très bien exécutée et arrangée, mais qui n’est clairement pas renversante. Il y a même au final beaucoup plus marquant dans ce même album !
Après le fuzzy/midtempo Built By Nations, un de nos coups coeur retenti, avec sa guitare réverbérée. Age of Machine est pour nous clairement un superbe morceau, que ce soit dans sa construction, son arrangement, ou l’interprétation. On retrouve cette mélodie du chant qui est suivi par une piste de guitare, un véritable groove qui nous fait rentrer dans le morceau et bouger la tête.
C’est aussi l’occasion pour John Kiszka de pouvoir s’amuser sur des plages d’ambiance d’utiliser ses cordes vocales comme une véritable couche instrumentale supplémentaire avec ses vocalises. La partition musicale est d’ailleurs une des plus complexes de l’album, et est parfaitement exécutée. Et lorsque le refrain arrive, on se retrouve avec un chant qui pourrait sans trop de soucis être chanté à tue-tête en concert, et répété en boucle et en boucle. Ah et oui, le morceau sonne très clairement Zeppelin mais pour le coup, c’est très clairement ce que l’on cherche vu comment ils sont capable de le faire et d’ajouter leur touche en plus.
« Feeling
Oh god, the feeling
We need some healing
We need some healing
God knows if you feel defeated
You have been cheated
You have retreated » – Age of Machine
On retrouve juste après une nouvelle ballade avec Tears of Rain. Une jolie partition de guitare acoustique, une mélodie vocale qui se met à nu ici. le pré-chorus montre une montée assez classique mais très efficace. Un morceau de milieu d’album. Stardusts Chorus est quand à lui un morceau plutôt appréciable car détonne en terme de rythmique et de mélodie par rapport à l’ensemble de l’album. Une petite bouffée d’air avec un riff assez enlevé et dansant vraiment appréciable.
Après l’oubliable Light My Love, On retrouve un certain Caravel. Un riff qui prend l’espace, jouant avec intelligence sur les silences, suivi d’un second pour le refrain. Un morceau plutôt efficace, mais peu marquant malheureusement. Il y avait là un potentiel assez énorme du morceau. S’ensuit de The Barbarians, rythmé par une introduction à la Wah (un effet de guitare, notamment rendu populaire par Jimi Hendrix).
Pour le reste, on retrouve une nouvelle fois une progression similaire à la moitié de l’album : le riff, la suite d’accord qui accompagne le chant, un pont musical, un refrain… Très clairement, c’est que l’on peut reprocher principalement à cet album, son manque de variété dans la construction de ses morceaux. Là où dans Anthem… on alternait des morceaux basés sur des gros riff et des morceaux avec des progressions d’accords plus complètes et mises en avant, ici, l’album se divise au final en 2 grands style de progression de morceau qui sont alternativement mis en place.
L’album se conclue par le diptyque Trip the Light Fantastic et The Weight of Dreams. Le premier propose un morceau en somme toute assez classique dans leur répertoire, avec une conclusion où on se retrouve noyé dans les réverbérations, le second est un plus gros morceau. Quasiment 9 minutes au compteur pour la conclusion de The Battle at Garden’s Gate, un morceau bien entendu dans une progression de mouvement à un autre, sans avoir au finale de véritable fin. Certaines transitions fonctionnent bien, d’autre sont un peu brutales. C’est toujours un pari très risqué de se lancer et proposer un morceau d’une telle longueur, et si le résultat et prometteur, il n’est pas totalement atteint. Reste tout de même ce solo de guitare tout de même très bien exécuté et sympathique. Mais, cette conclusion, à la guitare acoustique, fait tomber l’ensemble du soufflet monté par l’intensité du morceau.
Notre avis concernant la production
Nouveauté chez Danger Zone, nos chroniques vont accorder tout un volet autour de la production. L’album de Greta Van Fleet est d’ailleurs un excellent stress test de cette section ! A la production, on retrouve Greg Kurstin, un producteur principalement reconnu pour son travail avec Lily Allen, Sia, Adele ou encore P!nk. Pas très rock me direz vous. Concernant le genre musical qui nous intéresse, il est derrière la production du côté des Foo Fighters pour Concrete & Gold et Medecine at Midnight, ou encore Paul McCartney pour son album Egypt Station.
Un gros palmarès donc, mais que l’on soit clair, si nous devions donner la production d’un album de rock à quelqu’un ce ne serait pas lui ! Medecine at Midnight est pour nous un des albums les moins bien produit de l’année, et notre avis ne va pas être positif non plus pour le second album de Greta Van Fleet.
Pour l’occasion, nous sommes retournés également sur les précédents effort musicaux du groupe pour comparer les productions, leurs points forts et points faibles. A savoir que le premier EP comme le premier album ont été produit par le même trio. Une production assez vintage, très dynamique mettant parfaitement en valeur les riffs de guitares, les lignes vocales, mais aussi une grosse présence pour les fréquences basses des futs et de la basse.
Que dire du coup de ce The Battle at Garden’s Gate ? Il y a vraiment une différence de production assez flagrante déjà par le mixage effectué autour des instruments. La batterie sonne beaucoup moins organique et on peut voir que les pistes « triggerered » sont un peu plus en avant, notamment au niveau de la grosse caisse. C’est pour le coup dommage dans ce genre d’album de rock voulant sonner vintage/ rock 70’s, d’autant plus que lors des précédents albums, elle sonnait à la perfection.

Oui, c’est Antoine, l’auteur de ces lignes qui, va vous donner ici une petite explication autour de la production actuelle de la batterie. Si historiquement nous avons toujours enregistré une batterie avec un ou plusieurs micros, depuis quelques décennies et la normalisation de la digitalisation de la production, il est possible en plus d’un enregistrement classique d’ajouter sur les parties à « peau » de la batterie des capteurs permettant, suite à l’enregistrement, d’ajouter un second son numérique ou samplé. C’est ce qu’on appelle triggered (issu du nom du capteur que l’on nomme un trigger), et permet de garder tout de même la performance de l’instrumentiste, tout en ayant un son complémentaire.
Et pour le coup, et c’est ce qui est le plus décevant dans cette production, c’est l’effacement quasi total de la basse par rapport à la batterie. En cause très certainement une évolution du son de Sam Kiszka ou le mixage de la batterie qui pour le côté percussif encore plus mis en avant, au point d’effacer certaines fréquences de la basse. C’est d’ailleurs dommage car les lignes de basses de Sam sont part entières du son et de la composition du groupe.
Passons maintenant à la guitare, omniprésente avec la voix, à la fois comme accompagnant qu’à égalité. Si elle est lors des introductions à la même intensité qu’une ligne de clavier, elle s’envole lors des solos. Pour le coup, pas d’évolution notable dans le matériel. On reste sur sa SG des années 60 dans du marshall à fond. Concernant la voix, on peut sentir un mixage un poil différent, avec un changement au niveau des EQ et de la compression, qui la fait un peu moins percer dans le mixage. C’est un choix qui est intéressant pour certains morceau, mais encore une fois, et c’est ce qui manque cruellement à cette production, c’est de la variété. On aurait aimé avoir certains moments, notamment sur les morceaux envoyant le plus le bois que la production se lâche un peu au lieu de se contenter de créer son cube à la limite du surproduit.
Et en cause de ceci, la noyade dans la réverbération de l’album. C’est simple, en dehors de la basse, il n’y a pas un instrument, une piste qui ne se retrouve pas sans une réverb. Cela peut très bien sonner par moment, mais dans d’autre, cela conduit à une bouillie sonore. On aurait pour le coup vraiment gagné à avoir une production plus légère sur The Barbarians par exemple. Et nous ne parlons pas de Broken Bells et Tears of Rain où là, c’est carrément les cordes que Kurstin à invoqué pour appuyer encore plus le côté ballade dans le plus mauvais sens du terme. Cela en est même caricatural sur certaines pistes de batterie, que l’on dirait tout droit sorties d’un album de Phil Collins.
C’était d’ailleurs ce minimalisme dans Anthem… qui avait fait sa force sur les ballades proposées dans ce premier effort musical. Donc ici pour The Battle of Garden’s Gate, on se retrouve avec une production cohérente, qui se veut davantage moderne qu’auparavant, mais qui tombe par moment dans la surenchère, et au final une perte d’authenticité du son vintage, tout en cherchant à le conserver. Une sorte d’entre deux qui, tout en restant efficace (et bien plus qu’un Medecine at Midnight) manque de pêche et d’originalité.
Au final, on en pense quoi ?
Que penser de cet album au final et en le prenant comme un tout cohérent ? D’un côté, nous sommes véritablement dans la continuité de l’œuvre du groupe, avec cette volonté de petit à petit créer un son et une patte Greta Van Fleet, mais l’ensemble manque cruellement de variété. On se retrouve donc pendant cette heure d’écoute à assez rapidement confondre tel ou tel morceau de part les sonorités similaires, la construction du morceau également. Et c’est dommage car on voit le niveau d’interprétation du groupe, et aussi la qualité de leur précédents efforts.
Mais c’est aussi un album qui n’est pas servi pas sa production qui, à vouloir une constance et cohérence à toute épreuve (notamment pour son écoute principale, c’est à dire un morceau par-ci/par-là sur les plateformes de streaming), manque véritablement d’une démarche artistique, et va dans des excès de réverbération et d’arrangements qui nuisent à l’album.
Néanmoins, ce serait hypocrite de notre part de cacher tout de même l’appréciation que nous avons eu pendant notre première écoute de l’album, par petites touches et petits instants, nous permettant de tout de même garder la confiance envers un groupe au potentiel énorme. Les gars sont de plus jeunes et ont toute leur carrière devant eux pour nous proposer de futurs albums davantage mémorable.
Nos titres préférés :
- Age of Machine
- Stardusts Chorus