A l’occasion de la release party de leur second album à la Coopérative de Mai le 3 mars dernier, nous avons eu l’occasion de rencontrer les membres de Païaka quelques instants avant leur concert attendu.
Pouvez-vous présentez le groupe en quelques mots ?
Spelim : On s’appelle Païaka et nous sommes un groupe de reggae composé de huit musiciens. Tu peux retrouver donc dans le groupe un guitariste, un bassiste, un batteur (Baptiste), un percussionniste et deux cuivres. Nous venons de Clermont-Ferrand et nous venons de sortir en février notre nouvel album The Line.
Vous parlez justement de cuivre, est-ce que ça été un choix immédiat dès le début de la formation du groupe ?
Spelim : Cela s’est fait au final plutôt naturellement. Païaka est en fait né de plusieurs projets à l’origine. On a monté le groupe à l’origine autour d’un guitariste et d’une saxophoniste, et nous avons eu ainsi directement des cuivres. En plus de cela, le fait d’avoir des cuivres ajoute en effet un vrai plus musicalement. un côté pétillant, énergique.
Baptiste : A cette époque en plus on était vraiment accroc à Groundation et quand on s’est dit « on monte un groupe de reggae », on ne se voyait pas monter un groupe sans cuivres. On avait du coup les connaissances et le cercle de musiciens qui nous l’a permis bien entendu !
Et c’est selon moi un vrai plus car il y a de moins en moins de groupe de reggae actuels avec une vraie section cuivre.
Spelim : en effet oui. C’est lié à un problème que l’on a dans la musique aujourd’hui, la course à créer des formations avec le moins de musiciens possible. Car c’est dur de gagner sa croute avec la musique et donc, moins on est, moins on a à partager. On a du coup jamais voulu faire ce choix, priorisant tout simplement de jouer la musique qui nous plait.
En parlant maintenant un peu plus de musique, quel a été pour vous le déclic, ce moment qui vous a fait vous dire : je jouerais du reggae?
Baptiste : Ça a été tout d’abord des sons que j’ai écouté via mes parents. Du Marley évidemment, du Steel Pulse, deux trois vinyles comme ça qu’ils avaient. Puis quand j’ai eu ma propre chaine hifi dans ma chambre, j’ai eu quelques cd comme Tiken Jah qui m’ont pas mal marqué. Puis il y a eu la période du bahut, où là tu as eu Dub Inc qui est arrivé, Groundation que j’ai découvert à cette période là. C’était la grosse claque, au point de chercher sur eMule toute la discographie du groupe pour tout entendre. Et en parallèle, on a eu la scène clermontoise, avec quelques groupes comme Gwarana, un des premiers groupe de notre bassiste d’ailleurs, qui m’ont montré que c’était possible de pouvoir faire cette musique et qui te donnais envie de foncer.
Spelim : C’est assez similaire de mon côté en fait. Mon père avait plusieurs skeuds des Heptones, du Marley, d’autres trucs jamaïcains et j’ai été bercé avec ça du coup. Ma sœur écoutait Sean Paul dans sa période ragga comme Stage One. J’ai par la suite bougé du côté de la musique électronique avec pas mal de grosses raves parties et j’ai fait aussi de la musique avec La Granja Orchestra qui m’a donné du coup envie de foncer dans le Dub et le Reggae. Au final on a donc monté Païaka et c’est vrai qu’on était tous a fond dans Groundation qui a été une très grosse claque culturelle.
Concernant votre nouvel album désormais. Vous avez fait appel à Flox pour collaborer avec vous, est-ce que vous pouvez nous parler d’avantage de son apport sur l’ensemble de l’album?
Spelim : Pour mettre des mots exact sur le boulot qu’il a fait sur l’album, il a eu trois rôle : le rôle de réal/directeur musical, celui de mixeur et de mastering. Un rôle donc autour de la musique, mais aussi un autour du son. Pour être plus concis, je vais te parler un peu plus de la composition autour du groupe.
Dans Païaka on fonctionne en totale démocratie. Chacun ramène ses morceaux, on compose ensemble, on écrit ensemble et séparément. Ce qui est très bien, mais qui peu aussi apporter une trop grosse diversité musicale. Le but de Flox là dedans a été de recadrer l’ensemble de ces compositions et de réussir à rebosser avec nous les morceaux afin de pouvoir mettre une véritable cohérence en place sur l’ensemble de l’album. Il est venu en répétition et puis en studio et a fini par faire le mixage et le mastering de l’album.
Après Flox, avez-vous déjà d’autres envie de collaborations pour la suite?
Spelim : C’est assez compliqué comme question ! J’ai beaucoup aimé bosser avec lui, et à l’heure actuelle si je devais ressortir un nouveau truc là, ça me ferait vraiment plaisir de rebosser avec lui. Je pense que on est pas allé encore au bout du travail que l’on peut faire ensemble et lui non plus. Je pense qu’on pourrait aller encore plus loin. Je veux plutôt dire qu’il peut nous emmener encore plus loin car c’est son job. Après bien sur il y a des gars avec qui tu rêves de bosser. Notamment Marcus Urani, le clavieriste de Groundation. Mais c’est très dur de trouver un réal car ce n’est pas juste une personne qui fait de la musique, mais une personne qui donne un vrai apport psychologique dans le groupe. Il faut avoir le gars adapté pour le groupe.
Baptiste : Après la question c’est pas vraiment posée, on sort de The Line, et comme le disait Martin, c’est assez compliqué de trouver un réal. Flox on a eu la chance de le rencontrer, de partager la scène, et forcément on a pu prendre le temps d’échanger. On a vu qu’il avait déjà fait ce job là pour des groupes de notre niveau. Ça c’est fait au final car ça devait se faire !
Pour parler un peu plus précisément de The Line, y-a-t-il des thématiques globales sur cet album?
Spelim : Avec le recul on s’en rend compte. Même si je pense que ce n’est pas toi qui choisi la chanson mais l’inverse, on se rend compte que sur The Line, il y a des thématiques que l’on retrouve tout au fil de l’album. Sur Alive Anyway, on parlait de choses générales, de problèmes de société globaux, alors qu’avec The Line, on touche un peu plus sur le niveau personnel. Il y a des morceaux qui sont pour le coup très personnels, je parle de ma vie, de mon histoire, ma famille. Il y a des morceaux qui parlent de problèmes de société, d’économie en prenant l’exemple le travail du père de baptiste ou sur des choses qui nous ont touché particulièrement. Du coup, même si l’ensemble est assez varié en terme de lyrics, on parle beaucoup de liberté, de la vie en générale, d’où le nom de The Line, la ligne qui est pour nous celle de la vie, de notre destin.
Baptiste : Au final, le nom de The Line rassemble un peu l’ensemble des morceaux via cette vision là. On assume le fait d’avoir un reggae engagé dans les paroles, c’est ça qui fait aussi ce genre musical. On a des chansons qui parle du monde, de ce qui nous scandalise ou ce qu’on trouve de très beau dans le monde.
Vous faites d’ailleurs aujourd’hui parti d’une scène reggae française qui est toujours aussi fleurissante et variée. Comment expliquer cet attrait et cette variété pour le genre en France plus qu’ailleurs?
Baptiste : Tu as tout a fait raison. Il y a en France un attrait vraiment particulier pour le reggae et c’est pour cela qu’il y a d’ailleurs beaucoup de groupe et artistes jamaïcains qui viennent tourner en France. Je pense que ça doit venir surement de producteurs.
Spelim : C’est exactement ça ! En fait, après que les producteurs américains soient venus en Jamaïque, ce sont les producteurs français qui sont venus pour aller chercher les artistes. C’est pour ça qu’historiquement on peut parler d’un engouement en France pour le genre. Le manager des Congos est français par exemple. (ndlr : la scène anglaise, issue de l’immigration de communautés jamaïcaines ont joué un rôle également pour convaincre les producteurs français de chercher des artistes)
Baptiste : Ça a permis de créer une grosse scène, qui a évoluée avec les années et permet cette variété. Il y a une grosse vague dub en ce moment par exemple, mais tu peux trouver le groupe qui va te faire du roots, ou encore un qui va t’ajouter des sonorités pop ou rap dedans. La soirée de ce soir est un exemple parfait car on fait venir City-Kay qui propose un reggae mélangeant le rap, la pop, le dub, l’électro pour donner ce résultat assez hybride comme le fait aussi Flox par exemple qu’on aime beaucoup. En parlant de roots tu as en ce moment Marcus Gad et ça montre qu’aujourd’hui, que ce soit sur des groupes avec déjà de la bouteille ou des formations plus jeunes, tu en as pour tout les goûts.
Ce soir vous êtes en terrain plus que conquis puisque vous jouez à la maison, quel sera le mot d’ordre?
Spelim : Kiffer !
Baptiste : C’est ça ! On sait qu’on va jouer devant les potes, la famille, des gens qui nous suivent depuis pas mal de temps. Peut être aussi des gens qui nous connaissent aussi moins mais qui viennent car on est d’ici et car la Coopérative de Mai qui permet de faire ça ce soir font aussi tout pour que tout le monde puisse venir (ndlr : les places pour la soirée étaient à 5€ et gratuits pour les abonnés à la salle). Il y a toujours un sentiment un peu spécial. On lance un album en plus, et du coup là on va commencer à voir du coup le résultat d’une grosse période de travail, que ce soit autour du boulot mais aussi dans la conception de la tournée.
En parlant de concert et de tournée, partez-vous sur un set écrit et fixe, un show pré-établi ou êtes-vous plus sur un choix immédiat de la setlist par rapport au feeling de la soirée?
Spelim : C’est une très bonne question que l’on ne nous pose jamais ! On fait parti des gens qui préfèrent monter un set précis et jouer tout le temps la même chose. La raison est, je pense, d’abord car on est un groupe de huit personnes fonctionnant de manière démocratique, décider à chaque fois d’un set, c’est le meilleur moyen pour se prendre la tête (rire), ou sans même se prendre la tête, perdre pas mal de temps. En plus de ça, on est plutôt perfectionniste, et on aime savoir exactement ce que l’on doit faire.
Baptiste : Et c’est vrai que on a toujours fonctionné comme ça, que ce soit avec Païaka ou avec d’autre groupes. Après tu vas avoir des concerts de groupes comme Groundation justement qui, avec un background plutôt jazz, ont une manière totalement différente de voir les concerts. Et eux vont faire une setlist différente à chaque concert. L’idée c’est de proposer un show construit, que ce soit au niveau au niveau de la musique, des lumières, de la mise en scène même, il faut pouvoir le pratiquer. On est dans l’idée de faire un show rodé.
Mais par rapport à cela, vu que vous avez un show fermé, à quel moment vous aurez ce moment spécifique de lâcher prise?
Spelim : C’est une chose vraiment dure comme tu le sais à quantifier. Mais on arrive, malgré le fait d’avoir le même show à chaque concert, de faire un concert différent à chaque fois. Il y a pas que la musique, on a jamais l’impression de faire la même chose. Le public est différent chaque soir, le feedback du public est différent, on joue pas nous-même de la même manière, on est pas de la même humeur, on a pas les mêmes émotions au même moment. La part de liberté est ainsi totale. C’est justement dans cette contrainte qu’on va chercher ce lâcher prise ailleurs.
Baptiste : La liberté on l’a aussi dans la réécriture que l’on a faite pour le concert en lui-même. On est très loin de simplement appuyer sur le bouton play de ta platine vinyle. Il y a des moments instrumentaux, et depuis septembre on travaille ce concert en terme d’arrangements afin de proposer vraiment quelque chose qui nous plait à jouer et rejouer sur scène, tout en proposant un truc différent de l’album.