A l’occasion du festival Electric Palace qui a lieu du 2 au 9 février à Clermont-Ferrand, Danger Zone à eu l’occasion de rencontrer le groupe Shaolin Temple Defenders juste avant son concert, attendu par les amateurs de soul et de funk auvergnats.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?
Brother Lion : Je suis Manu aka Brother Lion, chanteur du groupe.
The Preacher : Moi c’est Pierre, on m’appelle The Preacher et je suis le guitariste. Nous sommes les Shaolin Temple Defenders !
Brother Lion : Nous sommes un groupe composé de huit personnes : à la basse tu as Jeremy, Mick à la batterie, Cédric à l’orgue et à la flute, Laure à la trompette, Vincent au saxophone et Henri au son.
Quelles sont vos principales influences?
Brother Lion : Elles sont multiples. De la classic soul des sixties, seventeen. Du côté de Stax avec Otis Redding et Johnnie Taylor, de Memphis avec Al Green et O.V. Wright et bien évidemment James Brown. Pour l’aspect chanson, on est pas mal inspiré par la Motown avec les Temptations, les Four Tops. Et en plus de ça, on a tout un aspect beaucoup plus moderne, avec le Hip Hop et notamment la scène West Coast des années 90, Breakestra est une grosse influence par exemple.
Quel album vous a fait tomber définitivement dans la soul et le funk?
The Preacher : Je dirais le live de Maceo Parker qui tournait énormément dans les années 90…
Brother Lion : Life on Planet Groove !
The Preacher : Voilà ! ça c’est un album qui m’a vraiment marqué quand j’étais ado !
Comment fonctionnez-vous en terme de composition? Avez-vous un processus particulier?
Brother Lion : Oui, on a un processus qui a pas mal évolué, avec l’expérience et la technologie. Généralement les morceaux sont en grande partie composés par moi-même. Ils sont préparés et maquettés par mes soins. J’utilise Logic et j’utilise des samples de batteries, des claviers midi. J’enregistre moi-même la guitare et j’envoie ça au musiciens, avec les partitions, ce qui est très utile pour les parties de cuivres. Par la suite, on joue une première fois la partition telle qu’elle est écrite, puis chaque musicien va s’approprier sa partie, l’arranger.
The Preacher : On va jouer en boucle les morceaux, jusqu’à ce que l’on trouve l’équilibre que l’on souhaite, en modifiant des détails, en laissant une vraie part à l’interprétation personnelle. En général, Manu amène des morceaux déjà assez aboutis en terme de riff. Y a un vrai échange qui se fait sur une base déjà bien prête.
Est-ce que tu t’occupes d’abord de la musique avant les paroles, ou les deux se font simultanément?
Brother Lion : La plupart du temps, c’est véritablement un groove de départ, et après selon l’ambiance du morceau, les thématiques viennent. On en discute tous ensemble, sur nos désirs de faire tel ou tel type de chansons sur cet aspect là, notamment sur Free Your Soul. On a souvent chanté des lyrics plus « traditionnelles », avec des thématiques très blues. On va parler d’amour, de tristesse, chroniques du quotidien, de funky party. Sur Free Your Soul, on est parti sur une thématique beaucoup plus contestataire, avec des chansons de libération, notamment sur l’histoire de la Black Music.
The Preacher : On est sur des paroles un peu plus conscientes sur cet album là. C’est notre cinquième album, on a une vraie volonté de se renouveler, avec un aspect plus mature peut-être. Une envie d’écrire sur le monde qui nous entoure, avec cette situation actuelle ultra individualiste, de politiques scandaleuses, de manipulations, c’est ce qu’on dénonce un peu dans cet album. Le pouvoir absolu des médias, ce consensus général assez usant. On a pris l’occasion de l’ouvrir un peu, et même si ce n’est pas un album révolutionnaire, c’est un album inspiré par ce qui nous dérange au quotidien.
Brother Lion : D’ailleurs pour appuyer ce discours, il nous a semblé logique d’utiliser une musique plus actuelle, via l’utilisation de sample par exemple. On n’est pas dans un discours passéiste, l’album est plus ancré dans quelque chose qui parle à tout le monde.
Quelle est l’importance selon vous des cuivres dans la musique soul et funk?
Brother Lion : Primordial. Dans ma position, on a pas de choristes sur scène, et cela rajoute une dimension, une patate. Par rapport aux influences, c’est marqué.
The Preacher : Ca permet de faire des thèmes, d’ouvrir plus de mélodies, de renforcer tout les impacts. Les cuivres sont indispensables, il faut que ça bastonne !
Si on revient un peu en arrière dans votre carrière, on peut voir que vous avez beaucoup collaboré avec Martha High (choriste de James Brown), qu’avez-vous tiré de cette expérience?
The Preacher : Ça a été tout d’abord un véritable revers culturel. On s’est retrouvé avec une artiste noire américaine. Nous jouons une musique noire américaine. Et on se retrouve ainsi à jouer avec Martha High, qui a plus de trente ans de carrière dans le milieu, en plus en étant choriste pour James Brown qui est, et je pense tu seras d’accord, un véritable Dieu pour cette musique. Elle a fait des milliers de concert avec lui. A un moment cette rencontre, si au quotidien peut paraître banale, c’est sur scène qu’il se passe quelque chose. Pour nous en tant que musicien, le fait d’être à la disposition du chanteur car c’est un show où le chanteur doit être mis en avant est un véritable apprentissage.
Brother Lion : Et puis se retrouver sur scène et chanter avec elle Summertime à la place de James Brown, tu as une pression assez dingue.
The Preacher : En fait Manu était son choriste, et de plus en plus elle l’invitait à véritablement prendre la place, chanter avec elle en duo. Un véritable partage. On a tourné six ans avec elle et elle a même aménagée à Bordeaux pendant un temps, elle était devenue notre voisine !
Brother Lion : On a été vraiment proche. Elle est aujourd’hui repartie aux États-Unis, mais y a une période où on était vraiment proche. Elle passait les fêtes avec nous en famille, elle faisait partie de cette famille. Le groupe était devenu plus que de simples collègues de boulot. C’est assez rare pour une chanteuse américaine, qui ont l’habitude de vraiment séparer l’aspect familial et la partie business.
The Preacher : En tout cas, ce que ça nous a le plus apporté, c’est vraiment l’aspect show, présentation, savoir entrer sur scène, sortir de scène, savoir s’imposer, communiquer avec les gens. Au final c’est une musique de partage, qui a commencé à l’église avec le gospel. C’est quelque chose qui est resté très fort chez des personnes comme Martha. Et on l’a vraiment ressenti, même sans être religieux.
Brother Lion : Elle nous a vraiment apporter cette aspect authentique. Quand on est reparti sur scène en tant que groupe, on a gagné en maturité scénique et sur cet aspect de show.
En parlant de show, vous avez fait en 2014 une tournée autour des Beatles, vous pouvez nous en parler un peu?
The Preacher : C’était un vrai délire qu’on s’est fait. On est des gros fans des Beatles. Et au final, les Beatles et la soul n’ont jamais cessé de se croiser. Plein d’artistes de Soul et de Funk ont repris leur morceaux. Et pour le coup on s’est amusé à mixer ces versions là, comme Stevie Wonder les reprenant (ndlare : on parle bien du morceau We Can Work it Out), mais en réarrangeant nous même d’autres morceaux. On a fait deux tournées comme ça. Cela nous a fait redécouvrir les Beatles, notamment sur l’écriture qui reste une vraie référence.
Ce soir vous jouez à l’occasion de Electric Palace. Préférez vous jouer devant un public ne vous connaissant pas du tout, ou devant un public conquis?
Brother Lion : Les deux ont leur avantages et inconvénients. J’aime bien cet aspect d’amener les gens à découvrir cette musique là aux gens, à des néophytes. C’est super car ça montre une ouverture musicale et culturelle. Après, notamment en Angleterre, il y a une très forte culture de cette musique là, et tu sens que les gens comprennent tout de suite le sens de ta musique de tes paroles. Cet aspect là est très jouissif. Mais quelque part, je préfère presque jouer du coup en face de personnes qui ne connaissent pas cette musique car cela créé un challenge.
The Preacher : On a une musique qui se prête parfaitement aux petites et moyennes salles, on joue aussi sur de grosses scènes en festivals. Plus on réduit cette jauge de public, plus le public en face de nous sera dans une ambiance qui sera vraiment chaleureuse et vivante. Je pense qu’ici ça devrait être pas mal !
Vous faites parti d’une certaine scène française de ce genre là avec d’autres groupes tel que Malted Milk ou Electro Deluxe, que pensez-vous de l’évolution de cette musique sur l’hexagone?
The Preacher : Il est difficile de parler encore aujourd’hui d’une véritable scène, il y a peut être pas encore assez de groupe. On a pas de festival rien qu’à nous. On va jouer dans des festivals classique, de blues ou encore de jazz. On s’éclate dans tout les cas où on va mais il est difficile de parler de véritable scène française encore aujourd’hui. Ça serait bien qu’il y ai plus de groupe qui jouent cette musique.
Brother Lion : Après sur Bordeaux on a pas mal de groupe qui s’y sont mis. Depuis qu’on a commencé ça a pas mal fleuri. Mais il faut beaucoup plus de groupes ! Jouez de la Soul !
Si vous deviez me donner un concert que vous avez fait? Un que vous voudriez faire?
Brother Lion : L’Olympia que l’on a déjà fait (ndlr : en première partie de Sly Stone). Mais pourquoi pas être le premier groupe à jouer sur la Lune !
The Preacher : Je retournerais bien au festival de Jazz de Montréal (ndlr : Le festival international de jazz de Montreal), qu’on a déjà fait une fois. Comme on traverse l’atlantique, on joue vraiment sur une semaine. C’est intéressant car c’est encore un autre public, différent ce que l’on a en France, en Angleterre ou en Italie. Ils ont une autre façon de faire la fête, ce qui est assez fun.
Brother Lion : Et puis bien sûr l’Apollo Theater!
Pour finir, quelles sont vos prochaines dates?
L’album étant sorti, on a pas mal de dates qui vont arriver. Pas mal de festivals cette année. On va en Italie dans deux semaines, notamment à Rome, peut être tirer un live de ça. Et la tournée semble se boucler à l’automne prochain à Londres.