Si l’on attend très souvent leur série, Netflix a su au fil du temps nous donner quelques moment de cinéma. Okja, dernier gros projet en date pour la plateforme américaine, est un véritable chef-d’oeuvre. Après avoir acquis les droits il y a plusieurs années, Netflix propose aujourd’hui leur adaptation filmique d’un des mangas culte des années 2000 : Death Note.
Il est toujours difficile de parler objectivement d’une adaptation d’une oeuvre que l’on a par le passé consommé. Le cas de Death Note est encore plus compliqué pour ma part car il constitue un des piliers de mon adolescence, une des première série qui m’a définitivement lancé à la fois dans le manga et dans l’animation japonaise. Du coup, je vais m’efforcer de séparer cette critique en deux aspects : le film en lui-même, et le film dans le contexte de son oeuvre originale, en tant qu’adaptation.
Le film
Death Note est un film réalisé par Adam Wingard, sorti sur la plateforme Netflix le 25 aout 2017. Adam Wingard n’est pas, et ce n’est pas contre lui, ce que l’on pourrait considérer un grand réalisateur. Mais vous avez très certainement vu le slasher You’re Next ou tout simplement le dernier Blair Witch, suite du film de 1999. On peut tout de même dire qu’il reste un réalisateur qui sait faire un film, qui sait faire de la mise en scène, pas forcément novatrice, mais efficace, tout en proposant des plans stylisés et efficace pour le divertissement d’horreur et de thriller.
L’histoire de Death Note est celle de Light Turner (Nat Wolff), un lycéen entrant en contact avec le Death Note, un cahier permettant de tuer n’importe quelle personne en écrivant son nom. Il va décider de tuer ainsi les différents criminels du monde afin de créer un nouvel ordre mondial sans crime. Rapidement, un enquêteur du nom de L (Keith Stanfield) lui fera face.
Le film prend le parti pris de condenser en un film la moitié de l’ensemble du manga, c’est à dire le premier arc narratif, pour en faire un récit très rythmé. Les éléments clés s’enchaînent à une vitesse folle, mais on pourra reprocher au récit de manquer de véritable suspens. C’est d’ailleurs dommage car en soit, un film traitant de meurtres en série se doit d’investir le spectateur dans l’intrigue. Le film réussit néanmoins à s’accélérer au bout d’une heure, pour créer au final une véritable chasse à l’homme. Le problème de ce scénario est que chaque situation auquel les personnages sont confrontés ne s’installent dans le temps, et ont un véritable impact.
En parlant des personnages, il souffrent d’un véritable problème d’écriture, qui est un point primordial dans la réussite d’un film. Pour qu’un film soit réussi, il doit être capable de montrer et de faire vivre ses personnages, qu’ils aient du relief, et une personnalité. Dans Death Note, le soucis principal est que l’ensemble des personnages sont au final uniquement des personnages fonctions. C’est à dire qu’ils ne sont animé et décrit que par les actions et leur objectif dans le script. Le film souhaite montrer un point de vue quasiment omniscient, alternant celui des enquêteurs et celui des tueurs, mais ne réussit à convaincre sur ces deux aspects. Je parlerais des cas L et Ryuk dans la seconde partie de l’article, car il y a des choses à dire dessus.
Sur le plan de la réalisation le film propose, à l’instar de la filmographie de Wingard, une image soignée, plutôt stylisée, avec un beau travail sur le noir. Si l’on retrouve dans la majorités des scènes un peu classique, on aimera les gros plans sur les détails, et des effets de réalisation sur les différentes morts. Cette dimension « horreur » est d’ailleurs assez nouvelle dans le contexte de Death Note, et sera un point à aborder par la suite. si le montage reste classique, elle parvient à être un peu plus inventive sur 2-3 scènes. La musique est par contre un point plutôt positif du film. Composée par Atticus Ross (Nine inch Nails), elle propose des thèmes plutôt intéressant, et s’intègre parfaitement dans l’ensemble proposé. A noter que quelques rappels sont même effectués aux thèmes issus de l’adaptation animée.
Et c’est à peu près tout ce que je peux dire concernant le film en lui même. Au final, Death Note n’est ni un bon film, ni un mauvais film, mais un divertissement moyen, qui ne vous laissera pas une grande marque dans votre coeur de cinéphile. Pas un très bon thriller, pas un bon film d’horreur, l’ensemble est passable, et ne parvient jamais a vraiment tenir en haleine.
Bien entendu, la partie suivante proposera des spoilers concernant le manga et le film.
L’adaptation
Attaquons nous maintenant au second aspect, concernant la place de Death Note le film produit par Netflix en tant qu’adaptation du manga éponyme créé par Takeshi Obata et Tsugumi Oba. Je ne parlerais pas de l’adaptation animé du manga car elle ne rentre pas en compte dans le travail d’adaptation même si on imagine bien qu’elle a été visionnée lors de la pré-production du film.
Lorsque l’on adapte un produit culturel venant d’un pays pour le calibrer pour un autre public, pas mal de chose changent. Les lieux vont changer, les personnages de temps en temps, et l’intrigue aussi. Le cas de Death Note est particulier car ici a été changé à la fois les lieux, les personnages, et aussi une bonne partie de l’intrigue. Prendre des libertés concernant une oeuvre peut être une bonne idée (il suffit de voir Shining de Kubrick pour le voir), mais on verra que Death Note est un beau cas de ratage dans ce cas présent.
Bon concernant les lieux, rien de bien marquant : on remplace un lycée japonais par un américain, on met une banlieue middle-class, on rajoute quelques scènes de foot US et de basket de high school pour bien montrer que l’on est aux Etats-Unis et le tour est joué. Concernant les personnages, là il y a du travail.
Il faut se dire que tout d’abord l’écriture d’un ou des personnages fait complètement parti de l’ensemble du processus d’écriture du film. Quand tu condense un récit qui se raconte en plusieurs heures en un film de 1h40, tu fais des sacrifices. Mais quand tu veux utiliser l’ensemble des personnages principaux d’un long récit, tu te dois de les développer un minimum. Là le problème est que Light est passé d’un étudiant modèle avec un idéal à un étudiant bon mais crapuleux, qui se retrouve victime de l’ensemble de la situation. Mia (aka misa) a pour le coup eu un changement assez intéressant, en terme de construction de personnage. elle traite toujours des même thèmes, c’est à dire la passion et l’ennui, et même si elle est beaucoup moins développée que dans le manga original, on voit véritablement cette dimension là dans le personnage, dans tout l’aspect non-verbal du film. On peut voir d’ailleurs dans le duo constitué du film que c’est elle qui au final porte l’ensemble de l’idéal de Kira. d’ailleurs, aucune explication n’est faite sur le choix de ce pseudonyme dans le film, ce qui est complètement illogique venant d’américains ne parlant pas un mot de japonais et ne connaissant rien ou presque à la culture asiatique. (dans le film)
Le traitement des personnages devient beaucoup plus compliqué concernant ceux de L et de Ryuk. L à, tout comme Light, changé entièrement de personnalité. Si il garde les mêmes mimiques présente dans le manga, on lui a complètement retiré tout son calme que l’on connait très bien. L est devenu ici un enquêteur impulsif, émotionnel et qui ne fonctionne au final que très peu comme le L que l’on retrouve dans le manga. D’ailleurs on ne prend pas le temps de parler de sa réputation d’enquêteur, il est juste posé ici là au bout de 45 minutes de film. Mais c’est peut être le personnage de Ryuk qui a peut être subit le plus de changement bizarrement. Si il a gardé ses traits de caractères, il est beaucoup plus discret dans le film, moins blagueur, plus méchant au final. A aucun moment il ne cherche à aiguiller ni à guider Light, il passe son temps, sur le peu de temps à l’écran, à mettre un coup de pression à Light, qui se met en pls à ce moment là.
Mais le problème, vous vous en doutez, c’est lorsque ces personnages sont mis en conditions durant le film, qui enchaîne les situations sans se préoccuper de quoi que ce soit. Déjà lorsque l’on voit 4 scénaristes au générique, on sait que quelque-chose cloche. À commencer par les règles du cahier. Le film pose comme constat que le Death Note fonctionne avec le nom, et une cause de la mort. Si il s’agit d’une hérésie pour les fans, la justification est toute simple : ce n’est pas spectaculaire de filmer pendant 1h40 de film des crises cardiaques C’est là que la dimension horrifique du film prend place. Il faut, pour un spectateur américain que la mort soit un spectacle, quelque chose de visuel. L’adaptation animé fait très bien le taf sur cet aspect car elle n’a pas les mêmes contraintes en terme d’effets spéciaux qu’un tel film.
Mais bon changer une règle est une chose, mais faire ce qui bon leur semble avec le matériau est autre chose. Plus aucune mention du temps nécessaire pour écrire la cause de la mort, ce qui selon moi, serait une idée brillante de réalisation; le pacte des yeux est uniquement mentionné, jamais expliqué et utilisé, et le cahier dispose à l’avance de toute les règles écrites dedans, au lieu d’une quinzaine. La raison de cela est simple : c’était Ryuk qui expliquait les autres règles, sauf que le film n’a pas le temps pour ça, et cela fait une économie d’une scène où l’on utilise de la 3D qui coûte cher. La liste peut être longue ainsi, la relation Light/Mia fait beaucoup trop artificielle par exemple, et manque tout l’aspect manipulation pourtant si bien écrite à l’origine. Globalement l’histoire originale, qui avait avec elle plusieurs embranchement et sous intrigué, est devenue une histoire allant tout droit, avec des problèmes de traitement de personnages, et de rythme.
Adapter le rythme d’un manga dans un film est une chose très complexe à réaliser. Encore plus lorsque le manga d’origine possède une histoire possédant de la tension, du suspense. On peut citer l’exemple de 20th century Boys qui selon moi réussi son défi en ayant proposé 3 films, avec pourtant dans chaque film un arc principal du manga original. La différence est alors que le traitement a été ici de travailler avant tout sur l’ambiance, et n’avait pas en plus un changement de cible à effectuer.
On peut dès lors voir que le problème principal de Death Note n’est pas d’en avoir pas assez fait, mais trop par rapport à son média original. Il est d’ailleurs amusant de voir que cette année deux films adaptant un manga ou film d’animation japonais (Ghost in the shell en l’occurrence) se répondent. D’un côté nous avons Netflix qui donne le champ libre à la modification d’une oeuvre, donnant un film n’ayant au final trop peu de rapport avec le manga original si ce n’est les éléments manquants. Et de l’autre nous avons un film où la prise de risque est minimale, au point même de perdre tout le discours non verbal de l’oeuvre originale, ainsi que son aspect philosophique.