Après vous avoir parlé d’un de mes films préférés, réussissant à retranscrire avec perfection l’ambiance du rock des années 1970, je vous propose aujourd’hui d’avancer un petit peu dans le temps, pour vous proposer cette fois-ci un de mes plaisirs coupable : Rock forever de Adam Shankman.
Adam Shankman est un réalisateur américain réputé principalement pour la série monk et la comédie musicale Hairspray. On peut donc dire sans trop de méchanceté que Shankman n’est pas ce qu’on appellerait un monstre dans le milieu. Lorsque Rock of Ages, une comédie musicale de brodway rencontre un succès retentissant, Warner Bros achète immédiatement les droits, et lance la production d’une adaptation filmique. Shankman arrive immédiatement aux commandes, après le succès de Hairspray, il parait évident de l’engager à l’époque, grâce aux succès de hairspray et de Glee (dont il a réalisé quelques épisodes). Il rassemble un casting 5 étoiles mixant star de cinéma (Tom cruise, Russel Brand, Catherin Zeta-Jones) et jeunes acteurs de films et séries (Diego Boneta, Julianne Hough). Si le casting parait cohérent, le choix de Cruise peut paraître pour le moins étonnant. Tom Cruise décida de jouer le jeu et prend des cours de chant avec l’ancien coach vocal d’un certain Axl Rose.
Le problème vient au moment où l’on se met à amputer le film, avant même le début du tournage, où une partie de la comédie musicale a été raccourcie pour coller au film. Si Le tournage se passe bien, on obtient néanmoins des retours annonçant un film plus édulcorée que le Brodway musical. A quelques mois de la sortie, on apprend que pour éviter une classification Rated-R aux USA, le film se retrouve coupé au montage final d’une vingtaine de minutes. Lorsque le film sort, il se fait éventrer en public, accusant, selon les critiques, d’une imbécillité sans nom, et d’un manque d’intérêt global du film ne justifiant même pas la teneur d’un tel projet au cinéma. Le film n’arrivera pas a se rentabiliser, et demeure un flop au box office.
Et pourtant, Rock Forever (je ne comprends toujours pas ce titre) est une des meilleures comédies musicales de ces dernières années !
Mais pour pouvoir juger cet aspect je me dois de vous faire un petit encart sur qu’est-ce qu’une bonne comédie musicale :
Une comédie musicale doit en terme de montage alterner des scènes de dialogues et des passages musicaux, qu’ils soient chantés, dansé ou les deux. Une bonne comédie musicale doit être ainsi capable de démontrer un véritable art de la transition, qu’il soit subtil ou classique. Une comédie musicale doit ainsi par cette maîtrise de la transition rendre naturel l’arrivée du chanté dans le filmique.
Comment alors Rock of Ages réussit son pari de proposer une bonne comédie musicale ?
Tout d’abord il faut voir que de par son scénario, Rock forever assure assez facilement à justifier la présence de l’aspect comédie musicale : Nous sommes dans un film où le sujet principal est la musique, au travers des années 80 à LA où le hard fm est roi. De plus, l’histoire raconte de plus une histoire d’amour, sujet très classique dans le genre, mais qui reste efficace.
Rock of Ages se veut un peu plus original dans toute ses parties chantées. En effet à l’instar d’un Across the Universe, le film propose non pas des chansons originales mais des chansons déjà existante. C’est une spécificité plutôt rare dans la comédie musicale qui, en dehors des productions rendant hommage à un artiste en particulier, sont à 95% des comédies musicales dotés de compositions originales, permettant de transcrire l’histoire au mieux.
Ainsi vous retrouverez dans le film des chansons issus des années 80 tel que : Dead or Alive de Bon jovi, Don’t Stop Believe it by Journey, ou encore du Pat Benatar, Scorpions, Foreigner… Vous vous retrouvez très clairement avec le meilleur best-of du Hard FM de la fin des années 80 possible. Les réadaptations en comédie musicales sont de plus dans une très bonne partie plutôt réussie.
Ainsi, si la présence des musiques est justifiée, est ce que l’arrivée des différents numéros musicaux dans la mise en scène du film est réussie? On peut par exemple prendre la première scène du film comme exemple, qui est pour moi une véritable réussite. Nous nous retrouvons dans le bus avec la protagoniste principale, et l’arrivée ici du numéro se fait d’une façon plus que classique car c’est en réalité la première ligne de dialogue de l’actrice. Et on peut voir que durant tout le film, il y a une véritable volonté de mettre en scène ses jonctions.
Il y a néanmoins une scène qui est selon moi véritablement raté, qui est en fait l’introduction du personnage de Catherine Zeta-Jones, qui se fait sous un numéro musical d’une chanson de Pat Benatar. Cette scène est raté car premièrement l’arrangement de la chanson est ratée, le build up (la mise en place) de la chanson dans la scène ne rempli pas le critère sus-nommé, et le plus gros problème est l’utilisation en elle même de la chanson. En effet, les paroles sont ici utilisé au sens premier des paroles, avec une connotation très religieuses. Si on peut se dire que c’est une utilisation qui doit être pris au second degré, voir même dans un sens à la limite du parodique, la scène passe tout de même mal dans l’ensemble.
C’est en critiquant cet aspect que je me suis rendu compte d’un élément qui explique l’échec du film encore aujourd’hui : le second degré du film.
Toute la presse et une bonne partie du public ont pris le film dans un sens premier, et c’est en ça que le film ne fonctionne pas. Tout est surjoué, surexposé, les chansons possèdent de véritables chorégraphies à la limite de la parodie. Le problème est que cet aspect est pour le coup très masqué, et le film peut paraître très premier degré au premier abord, et n’a donc pas été compris par son public car pas assez visible.
Pourtant il y a des choses qui ne peuvent pas nous tromper : rien que la simple présence d’un Tom Cruise cabotant dans un rôle mixant un Bon Jovi avec un Axl Rose de Gun N Roses. Il y fait d’ailleurs une de ses meilleures performances, montrant tout comme dans un Magnolia de Paul Thomas Anderson sa capacité à changer de ses rôles classique de film d’action. Je vous invite d’ailleurs à voir le film en VF pour une adaptation des lignes de Cruise juste parfaite (avec notamment un « Ouvre la bouche » orgasmique).
Si je ne vous ai toujours pas convaincu que Rock Forever est un film plus intelligent et intéressant qu’il n’y parait, je vais vous donner un dernier argument qui me semble de taille : le scénario est en réalité fait par Justin Theroux. Si Justin Theroux est principalement connu pour ses différents rôles, il est également le scénariste d’un de mes films cultes : Tonnerre sous les tropiques.
Et il est intéressant de voir, connaissant le gout de la dérision et des sens multiple du scénariste, d’essayer d’analyser le film sous un autre aspect que celui d’une comédie musicale gentillette : Rock forever est en réalité un film sur la vieillesse. En effet il est intéressant de voir le parallèle effectué entre d’un coté avec une musique qui est désormais une trace de cette époque des années 80, et de l’autre celui d’acteurs tel que Alec Baldwin et Tom Cruise qui sont également de véritable symbole de cette époque dans le domaine du cinéma. Ce parallèle est de plus très bien trouvé quand on voit que face à ces mastodontes du cinéma hollywoodien, on retrouve de très jeunes acteurs issu du monde télévisuel. Une véritable démonstration alors d’un rapport de force entre passation de pouvoir et aveu de nostalgie.
Ainsi, en regardant ce film de nouveau sous cet angle, on y voit en réalité un véritable hommage sincère qui, même si il doit utiliser une surface un peu artificielle, cache en réalité un fond intéressant.
Je vous invite alors à redonner une chance à Rock Forever, et je vous dit à la prochaine !