Nuit Debout.
Ils sont là, rassemblés, à lutter contre la Loi Travail et/ou la Loi Macron.
Ils marchent dans la rue, s’assoient Place de la Rep’ pour exprimer leur incompréhension, leur colère, leur désaccord avec ces lois passées de force dans un pays dit démocratique, avec ces lois libérales passées dans un gouvernement dit « de gauche ».
Cris de contestations, discussions diverses et variées, toujours engagées, conférences, diffusion de films…
Une lutte pacifique, civilisée et ouverte.
Une lutte qui deviendra physique lorsque les forces de « l’ordre » viendront alors, à coups de matraques, diviser les rassemblements. Une lutte qui sera brisée insidieusement par des médias racoleurs et menteurs. Une lutte qui sera tout doucement étouffée… par l’Euro 2016.
Certains croyaient pourtant voir le début de quelque chose, d’une sorte de révolution, je n’y ai toujours vu qu’une seule chose : un clignement d’œil.
Vous savez, le clignement doux et discret de l’œil d’une personne qui se réveille très, très, très doucement… pour s’assoupir une fois de plus, peu de temps après.
Bien sûr, cela a ouvert la porte à divers médias alternatifs et à une certaine prise de conscience « globale » du problème social, politique et humain actuel.
Mais qu’en est-il en soi de ces lois injustes et inhumaines ?
Elles se portent bien, merci beaucoup.
Donc beaucoup de bruit pour rien : comme toujours…?
Suis-je en train de critiquer les mouvements sociaux récents ? Certainement pas.
Par contre, je pense que ces mouvements n’auraient jamais dû être pensés comme des actions valables mais comme les expressions d’un réveil réel et actif, qui n’a toujours pas eu lieu et qui ne semble toujours pas en route…
Je m’explique.
Je pense que chaque époque a sa lutte.
Phrase toute faite en apparence mais que pourtant beaucoup de gens ne semblent pas, d’après moi, avoir pleinement saisi. Et ce, parce qu’ils considèrent plus le fond que la forme de leurs actions…
La forme dont les gens usent le plus souvent actuellement est le mouvement de masse et la contestation ouverte. Mais aujourd’hui, que signifient ces deux actions ? Ont-elles une véritable portée sur le pouvoir et/ou la pensée populaire ? On le croit mais pourtant rien ne se passe.
Je pense effectivement que le plus grand ennemi de ces actions sont tout simplement le droit de grève et la liberté d’expression.
Certains vont peut être s’horrifier en me lisant mais laissez-moi vous faire comprendre le fond de mon idée.
Quel est le principe d’une lutte ? C’est d’aller « à l’encontre de ». Dites-moi à l’encontre de quoi nous allons quand nous marchons dans la rue avec l’accord du gouvernement contre lequel on proteste ? Dites moi à l’encontre de quoi nous allons lorsque l’on conteste verbalement dans le cadre de chaines télévisées contrôlées par les puissants ?
Ces actes avaient de la valeur lorsque ils étaient interdits, contrôlés. Car d’une habitude taiseuse naissait une contestation hors norme. La démocratie a tué ces formes de contestation : de la nécessité de donner des outils légaux de lutte parfaitement justifiés, naît l’aliénation de ces même outils.
Pour faire plus simple, cette autorisation que l’État donne à son peuple, n’est finalement, en réalité, qu’un acte de condescendance : « Vous voulez brailler dans la rue ? Allez-y… ». Ne parvient alors à nos oreilles non pas une voix distincte qui se défait du reste, mais un brouhaha chaotique qui se fond justement dans l’habitude.
Certains m’interpelleront à juste titre en me signifiant que Nuit Debout a, par exemple, justement « fonctionné » puisque l’on a tenté d’oppresser ce mouvement avec les forces de l’ordre : preuve d’un désir d’oppression du gouvernement, et d’un acte qui va à l’encontre de la réelle volonté des puissants.
Je ne peux évidemment pas le nier.
Mais malheureusement, c’est justement à partir de cet instant que, d’après moi, Nuit Debout a touché à sa mort. Car au lieu d’évoluer, « profitant » de cette oppression évidente, le mouvement s’est figé dans des frasques physiques. Bien que la réaction naturelle, et au premier abord évidemment éloquente, était de rester en place envers et contre tout; dans les faits, elle n’a fait que figer ce qui en principe doit se mouver en permanence.
Nuit Debout s’est donc tue après un petit pas en avant, loin d’être suffisant.
Alors où est la solution ?
Comment peut-on lutter dans un monde où ces outils légaux n’ont plus aucun réel effet sur la société ? En repensant de nouveaux outils contestataires. Des outils de NOTRE époque, et non celle d’une époque révolue. Il faut comprendre le problème pour aller contre, il faut parfois utiliser ce même problème pour mieux le détruire ensuite.
Quel est le problème ?
Certains le formulent de la manière la plus maladroite et fausse possible : « Nous sommes dans une société d’individualistes ».
Pour commencer, le terme n’est pas absolument pas le bon. Car par le terme « individualistes », beaucoup de ces gens entendent parler de nombrilisme, d’égocentrisme ou de narcissisme : ce qui est le contraire le plus total de ce que signifie réellement être individualiste.
Être individualiste implique de penser la race humaine comme un ensemble d’individus. Nous ne sommes pas arabes, noirs, asiatiques, petits, grands, riches, pauvres, patrons ou employés : nous sommes des individus. Penser en terme d’individu, c’est donc penser en terme d’égalité sociale et de différence humaine. Là où le nombrilisme est auto centré, l’individualisme s’ouvre aux autres.
Ensuite, bien que la société soit effectivement, de manière évidente, de plus en plus auto centrée, elle ne semble pourtant pas chercher à se diriger vers son bonheur personnel. Les gens sont-ils franchement plus heureux ? Ou ne cherchent-ils qu’un refuge ou un masque face à l’hostilité du monde qui les entoure ? N’est ce pas finalement la lâcheté le véritable problème ?
Imaginez un temps soit peu que chacun soit réellement égoïste : personne ne laisserait les choses se passer comme elles se passent aujourd’hui ! C’est ne penser qu’à soi que d’accepter de vivre dans la pauvreté, la solitude, l’enfermement, l’apparence, la tristesse ?
Non, le narcissisme, l’égocentrisme, le nombrilisme est l’outil de la faiblesse. Quand on ne se concentre que sur soi, le monde qui nous entoure n’existe plus, et si ce monde n’existe plus, nous existons « mieux », protégés de toute hostilité, de toute réflexion globale, de toute prise de conscience.
Malheureusement, cela équivaut au chien mettant la patte devant ses yeux pour devenir invisible; il ne voit plus, mais les autres le voient mieux que jamais.C’est un des plus beaux cadeaux que l’on puisse faire à ceux qui nous « gouvernent » car en fermant les yeux, ils peuvent faire ce qu’ils veulent de nous et ce, sans qu’on s’en aperçoive.
A vouloir toujours s’échapper, on ne sait pas où l’on va, on ne fait jamais rien.
Alors agissons individuellement et évitons de rester enfermés dans un aveuglement dangereux.
Tentons de penser.
Pensons cette lutte dans le monde du travail pour rester dans le thème de mon introduction.
Quels sont les tombeaux dans lesquels nous nous réfugions bêtement ?
Ils sont simples à trouver : le week-end et la manifestation.
Fatigués, exténués, énervés, votre travail vous tue ? Boarf, c’est pas grave, il y a le week-end qui arrive !
Révoltés, outrés, oppressés, votre travail vous annihile ? Boarf, pas de problème, vous pourrez vous refaire une conscience en allant à la manif de ce samedi !
Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dis : je ne suis pas contre les manifestations.
Par contre, l’un de vous a-t-il une seule fois dans sa vie remarqué un changement en retournant au travail après un week end ou une manifestation ? Subissez-vous moins de pression ? Travaillez-vous d’une manière plus décente ? Gagnez-vous plus raisonnablement votre vie ? Non. Absolument pas.
Attendre d’un mouvement social qu’il fasse radicalement changer les choses en France, c’est croire en la télépathie. Le mouvement social ne doit que justifier et soutenir de vrais actes contestataires : rien d’autre. Et un acte contestataire, c’est agir contre ce qui est en place et ce n’est certainement pas hors des heures de travail ou hors du lieu de travail que cela va se faire.
Il faut arrêter de se leurrer, arrêter de s’offusquer silencieusement, arrêter de minimiser des problèmes qui nous concernent tous pour exagérer des problèmes personnels minimes et insignifiants.
Arrive alors le fond de ma pensée : si le mouvement de masse de fonctionne pas, la solution est donc dans l’individualisme.
Je pense que chacun doit agir à sa manière, avec son propre pouvoir : individuellement.
Pour reprendre l’idée du travail :
On refuse de vous payer décemment, voir même juste légalement ? Refusez.
On vous demande de sacrifier votre famille pour votre travail contre votre propre volonté ? Refusez.
On vous demande de faire une croix sur vos vacances ? Refusez.
On vous insulte, on vous harcèle, on vous moque ? Insurgez-vous !
C’est là la véritable lutte : tous les jours, aux contacts des vrais problèmes.
Ne vous taisez pas dans la vie pour mieux crier dans une manifestation ! Exprimez-vous dans la vie pour mieux porter le sens des manifestations prochaines.
Vous allez me dire :
« Mais c’est la vie ! » Non, ce n’est pas la vie, c’est même le contraire de la vie !
« Mais c’est le monde du travail ! » Non, c’est le monde des oppresseurs, des moqueurs, des prédicateurs de mal être !
« Mais j’ai une meilleure vie que d’autres ! » Non, ce n’est pas parce que votre vie est meilleure que le pire des malheureux dans le monde que l’on doit accepter de se faire avoir malgré tout.
« Mais ça me convient au final ! » Non, ça ne vous convient pas de devoir penser constamment à l’argent, de ne pas pouvoir prendre vos vacances, de ne pas pouvoir laisser libre cours à vos vraies envies, vos vraies passions, de ne pas pouvoir profiter de vos proches comme vous le voudriez, de ne pas pouvoir VIVRE.
« Mais si demain je refuse ça, un autre le fera à ma place ? » Là arrive le vrai problème.
Bien que je parle d’individualisme, je n’omets pas l’idée que TOUS ces individus doivent agir !
Parce qu’ils sont là, les vrais fauteurs de trouble, et peut être en faites vous partie : ceux qui se résignent.
Car tant qu’il y en aura qui accepteront une vie passable, ils l’accepteront pour les autres. Tant qu’il y en aura qui accepteront un salaire misérable, ils l’accepteront pour les autres. Tant qu’il y en aura qui accepteront d’être insulté, ils l’accepteront pour les autres. Etc.
Alors que si, demain, chacun refuse des paies impossibles, des heures impossibles, des conditions impossibles, un manque de respect impossibles. Que se passera-t-il ?
Les oppresseurs se passeront de nos services ? Ils feront tourner leurs grosses et petites machines à eux seuls ? Ils délocaliseront absolument TOUT ?
Non, ils se rangeront à nos exigences, tout simplement, parce que s’ils veulent de l’argent, il leur faut des employés, et si ils veulent des employés, qu’ils y mettent le prix et que les conditions soient idéales.
Bien que mon idée puisse paraître utopique, elle n’en est pas moins réaliste.
Mais pensez tout de même à tout cela… Réfléchissez-y, pensez à l’année dans laquelle nous vivons : 2017.
L’esclavagisme professionnel, social, écologique, humain y existe plus que jamais.
Société évoluée ? Non, mais faites-en sorte qu’elle le soit ! Pas besoin d’actes héroïques ou d’efforts surhumain, juste d’un peu de fierté humaine. Agissez au jour le jour à votre niveau et vous verrez que si chacun s’emploie à son propre bonheur à son propre niveau, c’est le bonheur de tous qui en découlera.
PS : Regardez Serpico de Sidney Lumet, ce mec devrait être un exemple pour nous tous…
Raphaël K (Un idéaliste désireux de réalisme).